UNASUR renaît de ses cendres

La réincorporation du Brésil et de l’Argentine dans l’Unasur (Union des nations sud-américaines), annoncée officiellement le 6 avril par les deux gouvernements, revitalise le bloc qui a joué son rôle le plus important dans les premières années du XXIe siècle.

Dans une interview accordée à Sputnik, Javier Calderón, expert en sociologie et chercheur au Centre stratégique latino-américain de géopolitique (Celag), a déclaré que « l’expérience de l’Unasur laisse des leçons » et que, pour cette raison, elle doit subir « quelques modifications ».

« L’Unasur doit commencer à travailler à l’intégration avec des projets communs pour les pays, de sorte que l’idéologie, qui a été l’une des raisons pour lesquelles Jair Bolsonaro, Iván Duque, Mauricio Macri et Sebastián Piñera ont quitté le bloc, commence à être mise de côté », a déclaré M. Calderón.

L’expert a estimé qu’un nouveau modèle d’intégration devrait viser à renforcer la souveraineté énergétique, le commerce et l’économie de l’Amérique latine, entre autres objectifs, comme l’a proposé le président colombien Gustavo Petro lors du dernier sommet de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAG) qui s’est tenu à Buenos Aires.

M. Calderón a estimé que « ce bond » serait possible grâce au leadership du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva.

« Lula sait qu’il doit mener un projet qui transcende les changements de gouvernement dans nos pays et faire de l’intégration un espace qui intéresse à la fois la droite et le progressisme, la gauche latino-américaine », a-t-il expliqué.

Le retour des membres historiques

L’Argentine et le Brésil réintègrent l’organisation intergouvernementale après quatre ans. En avril 2019, sous la présidence de Mauricio Macri, le gouvernement argentin avait pris la décision de quitter l’organisation en invoquant une « crise au sein de l’organisme » et « un agenda à fort contenu idéologique » qui s’éloignait de ses objectifs initiaux.

Le même mois, le gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro (2019-2022) – qui devait assumer la présidence pro tempore de l’organisation – a annoncé sa sortie et a accepté de donner la priorité au Forum pour le progrès de l’Amérique du Sud (Prosur), un mécanisme promu par l’ancien président chilien Sebastián Piñera.

La Colombie, le Chili, le Paraguay et le Pérou se sont également retirés en 2018. L’Équateur a suivi en 2019 et l’Uruguay en 2020. Depuis lors, les membres permanents de l’Unasur qui sont restés, bien que sans secrétaire général ni réunions, sont la Bolivie, la Guyane, le Venezuela et le Suriname.
Pour M. Calderón, le retour des deux plus grandes économies d’Amérique du Sud « est une force » et « défie » directement d’autres nations « de rejoindre le bloc sud-américain et de commencer ce processus de reconstruction de l’Unasur ». Selon l’expert, les premiers à ressentir cette pression sont Petro et le président du Chili, Gabriel Boric.

Futures adhésions possibles

Si l’on peut s’attendre à ce que le Chili et la Colombie reviennent au sein de l’Unasur, la situation serait différente pour l’Équateur, le Pérou et le Paraguay. M. Calderón a estimé qu’alors que Quito et Lima traversent une « profonde crise de gouvernabilité » qui ne leur donnerait pas « l’oxygène politique » nécessaire pour rejoindre l’Unasur, un « revirement politique » au Paraguay lors des élections de 2023 pourrait rapprocher Asunción de l’Union.

Deux scénarios pourraient se produire avec l’Uruguay : que Luis Lacalle Pou n’ait pas l’espace politique pour refuser de revenir en raison de la réincorporation d’autres pays, ou qu' »il ait l’intention de résister à l’intégration régionale et que l’idéologie prime sur les intérêts du peuple uruguayen et sud-américain ».

L’une des questions est de savoir ce qu’il adviendra de la décision de l’Argentine de réintégrer l’Unasur en cas de changement de gouvernement lors des élections de 2023. Selon l’expert, Buenos Aires « maintiendra un processus d’intégration quel que soit le vainqueur des élections d’octobre ». Cela ne pourrait changer, a-t-il averti, que si « un secteur vraiment radicalisé de l’extrême droite » entrait au gouvernement.

Pour l’analyste, « nous devons être très attentifs à ce qui se passe en Colombie et au Chili, parce que la décision de ces deux pays est fondamentale pour finir de fermer ce cycle de désintégration latino-américaine ».

M. Calderón a souligné que l’Unasur continue d’être un outil important pour les pays d’Amérique du Sud et, dans ce sens, il a qualifié d' »entêtement » l’attitude des « secteurs politiques latino-américains qui nient la nécessité de l’intégration et de la constitution d’un espace commun pour élaborer des agendas économiques, des agendas politiques régionaux ».

Source: Camila Betancor Santana/Sputnik – Traduction: Romain Migus