Que la critique nécessaire ne vous transforme pas en laquais – Mauro BERENGAN

7 octobre 2020

Le 7 octobre 2020, deux propositions relatives aux droits de l’Homme ont été approuvés au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. La première visait à renforcer la coopération entre le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU et le Venezuela afin d’améliorer en partenariat ce qu’il y a à améliorer dans ce domaine. Proposé par le Mexique, cette résolution a été approuvé malgré l’opposition de certains pays occidentaux et des gouvernements latino-américains de droite. 

Le Groupe de Lima a fait voté une autre résolution pour maintenir une mission indépendante de l’ONU afin de pouvoir exercer une pression politique permanente contre le Venezuela. Sans surprise tous les ennemis du Venezuela ont voté pour. Dans ce jeu politico-diplomatique, ils ont reçu le soutien de l’Argentine. L’Argentine, dirigé par le « progressiste » Alberto Fernandez a donc préféré s’aligner derrière Bolsonaro et Piñera plutôt que de soutenir la position du Mexique. L’article suivant est la réponse d’un argentin choqué par le choix de son gouvernement. Les 2 Rives

Lorsque Cuba est passé par sa période spéciale, le péronisme menémiste régnait en Argentine. La chute de l’URSS annonçait la fin de plus de trois décennies de révolution caribéenne ; elle ne pouvait pu résister, c’était écrit.

Mais pour que le coup final soit porté, pour que le blocus soit total, pour que le peuple soit affamé, pour qu’il blâme et se soulève contre ses dirigeants, toute l’Amérique devait leur tourner le dos, et elle l’a fait avec plaisir.

Les États-Unis n’ont même pas eu à les forcer ; c’était le moment de se débarrasser de la gauche, de fuir, de renoncer au passé. C’était l’époque des anciens gauchistes qui étaient devenus des alfonsinistes [partisan de Raul Alfonsin, ancien président de l’Argentine, 1983-89, NdLR], des menémistes [partisans de Carlos Menem, ancien président de l’Argentine, 1989-99, NdLR] des sociaux-démocrates libéraux.

Les diatribes progressistes contre la tyrannie de Castro ne manquaient pas, pas plus que les diatribes de gauche contre la « révolution déformée ». Mais les temps ont passé et Cuba est encore là, une force de l’intérieur, et tant de convertis mécontents se sont reconvertis et ont remis un poster de Fidel sur leur mur. Cuba est revenu à la mode… Et puisque les Caraïbes sont comme ça, une autre révolution a émergé là-bas, elle semblait jaillir des pierres. Pendant un peu plus de dix ans, de 2002 à 2013, être chaviste était la grande tendance car les transformations matérielles et discursives ont été profondes. Des progressistes de toutes sortes ont collé des autocollants de Chávez sur leur thermos, et même certains trotskos de l’OP étaient enthousiastes à l’idée de l’appel à la cinquième internationale, bien que discrètement, il ne fallait pas que cette démarche aboutisse.

Et bien sûr, des gouvernements très différents se sont pris en photo avec le portefeuille pétrolier des Caraïbes. Opération secrète, destin, avenir maudit, peu importe… Chávez est mort. Et finalement pour certains ce semble compter, c’est l’individu, le leadership individuel.

Et rebelote : blocus, sanction, vol, erreurs internes, et qu’ils affament et coupent les vivres. Mais une fois de plus, toute l’Amérique doit lui tourner le dos, ne surtout pas tendre une corde ou la main. Et encore une fois, l’Amérique est bien disposée. Péronistes, alfonsinistes tardifs, démocrates néo-sociaux, trotskos et anciens gauchistes du monde universitaire sont là, bien disposés à jeter le bébé avec l’eau du bain au fond de la fosse des Mariannes. Ignorant le processus révolutionnaire, l’ampleur du mouvement, les disputes internes, la force populaire accumulée, les dangers d’invasion, Maduro (et certaines dérives libérales) égale chavisme, Maduro qui parle aux petits oiseaux parce que ceux qui le disent, disent, maintenant, mort au tyran, sauvons la république, et à côté jetons les enfants des ponts… Alberto gouverne, Cristina est la vice-présidente, ils sont responsables, aidés par l’aile droite de Sola [ministre des affaires étrangères, NdLR] et de Massa [président de l’Assemblée Nationale, NdLR], et l’aile gauche, prête à sauter du bateau quand ils sont sur le point de se mouiller un peu.

Alberto a dit à Lula lors d’une conférence qu’il est seul, contrairement à Néstor qui avait allié les gouvernements de toute la région. C’est relatif. Alberto n’a pas besoin d’une coïncidence totale pour avancer, Alberto le fait avec Piñera et Bolsonaro, il ne le fait pas avec Maduro ou Diaz Canel. Qui sont les pires, à votre avis ? M. López Obrador n’a pas voté pour cette résolution de voyous, soutenus par les pires gouvernements depuis les dictatures ; le Mexique avait auparavant soutenu une autre résolution en accord avec plusieurs pays dont le Venezuela, et l’Argentine ne l’a pas accompagné. Alberto a préféré Bolsonaro a une option de centre progressiste ; ça fait mal à qui ça fait mal, mais c’est un choix. Et une certaine gauche le permettait. Le Venezuela résiste seul, sans une corde de ceux qui en ont tiré beaucoup, une fois de plus : la force de l’intérieur.

Que la critique nécessaire ne vous transforme pas en laquais.

 

Mauro BERENGAN 

Source: Mauro Berengan – Traduction: Romain Migus