Occupation d’Haïti – Jean Jores PIERRE

9 août 2020

Le débarquement des troupes étatsuniennes dans les rades de Bizoton en 1915, rentrée sud de Port-au-Prince, a dévoilé au grand jour et sans équivoque, la discrimination et le sentiment antihaïtien des élites du pays et le comp1lot des puissances étrangères pour étouffer tout projet national.

Le XIXème siècle d’Haïti est fait de luttes paysannes et revendicatives pour une meilleure répartition des richesses produites par les travailleurs et des ressources de notre terroir. Le soulèvement de Goman (1) en 1807 et d’Acaau (2)en 1844 en disent long. Les élites du pays n’ont jamais daigné de répondre aux revendications des classes populaires du pays.

Au début du XXème siècle, particulièrement en 1915, la classe possédante et dirigeante d’Haïti a collaboré activement avec des envahisseurs étasuniens afin de mater les secteurs revendicatifs spécialement paysans, qui n’ont jamais accepté l’exclusion économique, politique et sociale pratiquée par les gouvernements successifs de notre nation. C’est ainsi, de nombreux témoignages collectés au moment de l’occupation américaine révèlent un discours raciste qui s’apparente au nouveau et actuel slogan Kite peyi m mache orienté contre les soulèvements populaires en Haïti au cours de l’année  2018 et tout au long de l’année 2019.

Kite peyi m mache est le cri des gens accommodés, des politiciens affairistes de régime PHTK (Parti Haïtien Tèt Kale), des leaders d’opinions et intellectuels bourgeois, des artistes du système, et des franges de la bourgeoisie du bord de mer haïtienne, proféré contre les masses défavorisées qui manifestent leurs mécontentements face à l’ordre injuste qui prévaut dans le pays. Cette expression symbolise le déni de tout ce qui se réfère au bien-être collectif de la population et du développement socioéconomique d’Haïti.

Pour les partisans du Kite peyi m mache, les millions de manifestants qui réclamaient de meilleures conditions de vie sont les problèmes d’un pays qui fonctionne à merveille. En d’autres termes, les luttes revendicatives des masses populaires actuelles constituent un problème pour les défenseurs du système capitaliste sauvage implanté en Haïti à coup de balles, de bombes et de matraques des soldats étatsuniens entre 1915 et 1934.

Ce 28 juillet 2020 maquant les 105 ans de l’occupation américaine de Haïti, il est important de revisiter notre passé, pour comprendre notre présent, afin de mieux construire notre avenir. Le contrôle et la domination de l’impérialisme américain à travers son Ambassade et d’autres organismes internationaux en Haïti constituent un danger imminent pour la construction d’un projet national. L’occupation n’avait pas apporté et n’apportera aucun changement positif au profit des fils d’Haïti.

L’arrivée des occupants

Les blancs du navire de guerre Washington débarquèrent avec 330 soldats américains à bord, a écrit Roger Gaillard (3). Il était 5h30 du soir, un 28 juillet 1915, dans le quartier de Bizoton de la Commune de Carrefour, en Haïti.

L’impérialisme américain voulait asseoir sa domination sur le continent américain, selon la doctrine interventionniste de Monroe : l’Amérique aux Américains. Les territoires sud-américains et caribéens occupèrent une place de choix dans la stratégie de conquête étasunienne. Suzy Castor affirmait que l’Amérique Latine et les Caraïbes, « Avec ses terres tropicales, riches et fertiles, sa proximité géographique et sa position face au Canal de Panama, la “Méditerranée Américaine” était considérée par plusieurs hommes d’État du Nord comme une chasse gardée particulière » (Castor, 1988, P.44). Les États-Unis dans sa phase impérialiste naissante occupèrent le Nicaragua et la Colombie en 1903 ; créèrent la République de Panama en 1903, en découpant une partie du territoire colombien ; envahirent la République Dominicaine en 1905 ; débarquèrent au Mexique, à Veracruz en 1914 etc.

En Haïti, « les envahisseurs ne rencontrèrent aucune résistance organisée» (Gaillard, 1981, P.12). Mais pas avant que l’intrépide et le Héros national Charlemagne Péralte et son Armée Révolutionnaire décidèrent de passer à l’action contre les inconvenants occupants qui viennent souiller la dignité nationale.

La « machine d’État » a perdu toute crédibilité aux yeux des citoyens haïtiens. Les institutions furent la vache à lait des intérêts particuliers des hommes au pouvoir et des nantis. Selon Gaillard, « La communauté était, en effet, disloquée. Aucune des deux ailes de la bourgeoise ne pouvant imposer durablement son hégémonie à l’autre, la classe dominante, désunie, était devenue à son tour incapable d’instaurer valablement son autorité parmi les masses populaires. Déçues de trop nombreuses expériences, ces dernières, de leur côté, avaient renoncé depuis longtemps, depuis Salnave peut-être, à se rallier aux mots d’ordre  de telle ou telle couche de la classe politicienne » (Ibid).

Roger Gaillard soutient que « Sans modèle, sans guide, (…), sans armes, sans nation, l’homme du Peuple, face à l’envahisseur, fut d’abord désemparé. Comment pouvait-il sauver la patrie, puisqu’en fait, il n’en avait plus ? On ne peut défendre ce qu’on n’a pas… » (Gaillard, 1981, P.13).

Les couches dominantes ont considéré le débarquement des envahisseurs comme un atout pour assurer leur domination sur les masses populaires qui revendiquent un pays autre. Elles voient un peu de « sécurité » dans ce débarquement des blancs. En apprenant que « l’étranger était enfin là, elles laissaient éclater leur soulagement» a écrit Gaillard en décrivant le comportement désinvolte des politiciens et fonctionnaires au moment de l’arrivée des envahisseurs.

Les occupants ne tardèrent pas pour commencer à tuer et blesser les Port-au-Princiens qui ont versé leur sang, le lendemain même. Ces victimes n’étaient autres que des personnes qui vaquaient à leur occupation. La classe politique et les fonctionnaires ont fait profil bas et ont considéré l’arrivée des occupants comme une expédition punitive que le pays à bien mérité. Les leaders politiques commencèrent à appeler au calme du côté des forces de l’ordre qui a perdu Joseph Pierre, assassiné par les occupants dans une échauffourée dans l’Arsenal au Champs-de-Mars.

La classe politique témoigna « à l’égard des occupants de leur bonne volonté accueillante ». Les envahisseurs ont trouvé rapidement leur poulain idéal : Sudre Dartiguenave, le président du Sénat qui fut nommé illico Président du pays par une Assemblée Nationale soumise. La collaboration avec les envahisseurs commença rapidement pour instaurer un régime plus répressif ayant une armée distribuée sur la totalité du territoire national, assurant ainsi les intérêts des occupants face aux turbulences paysannes.

Les discours Kite Peyi m mache de l’époque

La classe politique et les hommes d’affaires mortifères, stoïques et collabos d’Haïti ont célébré le samedi 18 septembre 1915, en grande pompe, l’accord signé par Dartiguenave et approuvé par l’Assemblée Nationale afin de donner une façade légale à l’Armée américaine qui envahissait le pays. Cet évènement fut organisé au Cercle Bellevue de Port-au-Prince. « Il y eut de nombreux échanges de vues pendant cette agape qui réunissait, dans la plus grande cordialité, Américains et Haïtiens » (Ibid.).

Selon Suzy Castor, les collaborateurs et les occupants « essayèrent de faire adopter leur position à la population. Ils imputèrent la réprobation populaire à l’occupation à un manque de préparation politique des masses. (…) ils insistèrent sur l’anarchie qui régnait dans le pays » (Castor, 1988. P.80).

Les élites ont choisi d’ignorer la souveraineté et l’autodétermination du pays pour satisfaire les envahisseurs. Charles Moravia avait écrit dans le journal La Plume : « Nous ne sommes pas en guerre contre les Etats-Unis, nous sommes en guerre contre l’humanité, que nous avons offensée depuis un siècle. Les Américains sont ennemis du despotisme souverain, et pour empêcher sa restauration, ils ont occupé le pays » (Ibid.).

D’autres témoignages montrent le niveau de servilisme des élites haïtiennes aux occupants comme ceux de F. G. Geffrard (4), propriétaire terrien de Saint-Marc : “Si on considère sans préjugé, les clauses de l’Accord de 1915, il n’en résulte aucun avantage appréciable, sauf celui qui permet aux commerçants et industriels américains de développer, et encore sur une petite échelle, leur négoce, comme cela est actuellement permis à tous les étrangers sur le territoire d’Haïti. Il sera nécessaire d’accorder des concessions appréciables au gouvernement des États-Unis et des avantages réels, même en excès, aux hommes d’affaires américains pour que, séduits par ces conditions, ils soient encouragés à aider les Haïtiens. L’Haïtien abandonné à lui-même n’a pas encore atteint le self-control (la maturité politique), il est nécessaire que l’Américain établisse un régime plus énergique en Haïti” (Ibid.).

La classe politique voit dans l’occupation une occasion idéale pour dilapider les fonds publics « dans un climat de paix. L’élite donna comme prétexte sa haine du désordre, les pertes matérielles et humaines subies lors des insurrections, son amour de la stabilité ». Les politiciens traditionnels « (…) veulent battre monnaie et s’enrichir aux dépens du peuple, spéculant sur le malheur de la République d’Haïti (…). Ce sont les hommes qui, précisément, personnifient le passé d’injustice sociale qui ont édifié un nouveau gouvernement, appuyés par les baïonnettes de l’occupation» (Castor, 1988. P. 81).

Le slogan des PHTK clamant Haiti is open for bisiness rentre dans cette même lignée de soumission à l’impérialisme américain. L’élite Kite peyi m mache de 1915 et d’aujourd’hui ne se soucie guère du pays. En ce sens, Suzy Castor fait l’idée selon laquelle « les commerçants arabes et italiens installés dans le pays à la fin du siècle passé, considérés comme Haïtiens par les Américains, appuyèrent l’occupation de façon active et effective ». Ils furent plutôt favorables à un prolongement de l’occupation du pays. Ces élites de 1915 préféraient patauger dans l’indignité au lieu d’embarquer dans un projet national populaire et inclusif pour le bien-être des fils et filles d’Haïti. Cependant, les paysans conduits par Charlemagne Péralte ne se laissaient pas faire. Ils ont résisté héroïquement contre les envahisseurs américains.

Les résistances paysannes populaires

Les habitants de la ville de Port-au-Prince n’ont pas résisté aux envahisseurs américains. Roger Gaillard a déclaré que le pays fut meurtri par une classe dirigeante avarice qui ne se souciait guère de la population. La nation fut désemparée. L’homme du peuple a perdu sa patrie.

Mais cet affront à la dignité nationale ne pouvait pas passer comme une lettre à la poste dans le pays de Jean-Jacques Dessalines, le père de la Nation haïtienne. Les paysans haïtiens ont défendu du bec et des ongles notre souveraineté face aux occupants qui souillaient la dignité nationale. Ces paysans sont les Cacos, les rebelles de l’armée révolutionnaire luttant contre les Américains sur la terre d’Haïti.

Charlemagne Péralte, un Homme qui se transformait en millions de cœur assoiffés de liberté et de justice s’est engagé au côté des paysans pour lutter contre les occupants. Il commandait la région de Léogane entant qu’Officier de l’Armée. Ce Héros national a refusé de se soumettre aux ordres des troupes yankees. Pour l’honneur à sa patrie, il a démissionné de ses fonctions militaires. Il sera ensuite le Chef de l’armée révolutionnaire luttant contre les Américains sur la terre haïtienne, écrivait-il en paraphant ses dépêches.

Ce fut quatre années de résistance paysanne héroïque dirigées par Charlemagne Péralte et postérieurement Benoit Batraville. Le mouvement a gagné en ampleur sur tout le territoire national.

Les masses paysannes défavorisées ont choisi de lutter contre les envahisseurs blancs qui viennent réimplanter le système esclavagiste dans leur pays à travers le régime de la corvée, un type de travail forcé semblable aux méthodes du système capitaliste esclavagiste de la maudite colonie de Saint-Domingue française. Les yankees ont obligé les paysans à réaliser des corvées dans la construction de routes qui mènent aux plantations et entreprises américaines. Toutes les infrastructures construites lors de l’occupation répondaient directement aux intérêts des États-Unis d’Amérique et aux stratégies de renforcement de la domination du pays.

Les grandes plantations instaurées par les occupants n’avaient rien à envier au système de plantation du temps de la colonie d’avant la Révolution de 1804. Les terres agricoles furent utilisées pour produire les denrées qui répondent aux besoins du marché étatsunien.

La répression contre les soulèvements paysans fut sanglante. « Ce fut une campagne de terreur et de massacre », a écrit Dantès Bellegarde (5) qui racontait les méthodes utilisées par les occupants contre les rebelles Cacos luttant avec des machettes et battons face aux mitrailleuses des yankees. « Dans plusieurs cas, ce furent de véritables génocides » selon Suzy Castor. Plus de 11 000 paysans et paysannes furent assassinés/ées par les occupants.

Les envahisseurs torturaient la population. En novembre 1920, une commission érigée en cours de justice avait reçu les victimes et témoins des massacres pour écouter leurs versions sur les atrocités reprochées aux occupants. Les témoignages étaient cruels : « assassinats de femmes et d’enfants, massacres de prisonniers, emploi de chiens dévorants comme au temps de Rochambeau, supplices de l’eau et du feu » a insisté Dantès Bellegarde.

La lutte des Cacos contre les envahisseurs était populaire et massive. Les combattants révolutionnaires ont parvenu « à adopter une méthode de combat qui réussit à tromper la vigilance de l’ennemi. Les tambours envoyaient des messages à une centaine de mille ou plus, presque aussi vite que par télégraphie ou radio (6). Les “madan saras” servaient d’agents actifs de propagande et de liaison (…) », a soutenu Mme Castor. Cependant, les populations urbaines ne participèrent pas activement à cette résistance organisée. Au moment des rudes combats, les occupants battaient en retraite pour aller se réfugier dans les villes.

Selon Bellegarde, les troupes de Charlemagne Péralte se composaient de 5000 soldats. Les Cacos étaient armés (7) de « vieux fusils et revolvers, machettes, bâtons de canne à sucre ou de bambou, épées, silex primitifs, pierres, etc. Ils possédaient plus ou moins un fusil pour cinq hommes, avec peu de munitions, et les cartouches étaient fréquemment très petites de telle sorte qu’ils devaient les envelopper de papier pour pouvoir les utiliser ».

Mme. Castor illustre avec éloquence certains aspects importants dans l’organisation des forces de combat des Cacos : 1) une armée populaire régulière opérant à partir d’un quartier-général, suivant une hiérarchie et disposant d’un nombre déterminé de soldats en service actif, 2) une force d’appui de soldats paysans, liés opérationnellement aux troupes régulières, 3) une force logistique – informations, ravitaillement, propagande, etc. – formée par l’ensemble de la population rurale, des petits commerçants et de certains noyaux urbains.

Les occupants ont mis en place un appareil performant de propagande, de cooptation et d’infiltration. Charlemagne Péralte fut assassiné le 31 octobre 1919, après la trahison de Jean-Baptiste Conzé. La lutte n’a pas fait long feu après la mort de Péralte. Son lieutenant Benoit Batraville a tenté d’organiser la résistance. Il a été assassiné par les occupants le 20 mai 1920. Par cet assassinat, les occupants ont coupé court à la résistance des Cacos ou l’Armée révolutionnaire luttant contre les Américains sur la terre haïtienne.

Le 31 octobre 1929, soit 10 ans après la mort du Héros national Charlemagne Péralte, les étudiants haïtiens de l’École Centrale d’Agriculture de Damien ont enclenché une grève dans les villes pour exiger la désoccupation du pays et revendiquer l’héroïsme de Charlemagne Péralte et des paysans-paysannes massacrés-ées par les envahisseurs. Cette grève bénéficiait de l’appui des écoliers et des petits commerçants. Durant cette même année, plus précisément le 6 décembre, les occupants ont perpétré le massacre de Marchaterre qui s’était soldé sur l’assassinat de 22 paysans-nes et plusieurs dizaines d’autres ont été blessés-es.

Les grognes populaires montent. Même les fonctionnaires qui célébraient l’arrivée des envahisseurs se sentaient offusqués par le racisme des occupants à leur encontre. En août 1934, les autorités étasuniennes ont décidé de retirer les troupes non-essentielles, promettant officiellement la désoccupation du pays. Mais, les occupants ont laissé un « représentant fiscal » pour assurer la mainmise sur les recettes fiscales de l’État et des Officiers de la Marine américaine pour former et commander les forces armées d’Haïti.

Cette occupation a plongé le pays dans le désarroi le plus total. Avant le débarquement des blancs, la nation haïtienne n’avait jamais connu autant de misère, de massacre à grande échelle et de migration. Les paysans ont été dépossédés de leurs lopins de terre où ils cultivaient leurs propres denrées alimentaires. Toute personne qui ne se soumettait pas scrupuleusement aux ordres des envahisseurs blancs, fut passible de sévères sanctions et pourrait même être torturée jusqu’à la mort. Face à la désolation causée par cette occupation, les paysans étaient obligés de migrer vers la République Dominicaine ou Cuba pour pouvoir travailler, surtout, dans les plantations étatsuniennes implantées dans ces pays. Cette migration fut encouragée et coordonnée directement par les occupants.

Une occupation interrompue depuis 1915

L’occupation américaine de 1915 rappelle étrangement la situation actuelle du pays. L’État haïtien ne respecte pas les droits fondamentaux de ses citoyens. Les Haïtiens émigrent massivement vers d’autres pays pour échapper à la misère. Les institutions ne représentent plus la population. Les masses défavorisées se rendent compte qu’il y a un système d’exclusion qui se pérennise, se reproduit à chaque moment historique.

Hier c’étaient les paysans. Aujourd’hui, la répression s’abat sur les habitants des périphéries urbaines vivant dans des bidonvilles sans aucun service de base. Kite peyi m mache fut la réponse des franges de l’élite haïtienne aux revendications des couches défavorisées qui manifestaient dans les rues du pays durant les deux dernières années (de 2018 à 2020). Les élites Kite peyi m mache ont fermé leurs yeux sur les violations des droits humains à répétition perpétrées par les autorités haïtiennes.

La profonde crise politique et le démantèlement des institutions du pays ne préoccupent en aucun cas la « communauté internationale » qui agit en toute quiétude en Haïti. Cette stratégie de la communauté internationale obéit à une pratique coloniale bien définie depuis 1915, a mentioné Laënnec Hurbon (8).

Le Président du pays, Jovenel Moïse n’a pas passé par quatre chemins pour faire appel à l’OEA (9) en vue de solliciter une assistance technique au moment où le peuple haïtien a refusé de reconnaitre son autorité et a exigé sa démission pour sa participation présumée dans la dilapidation des fonds Petro-Caribe. Le Gouvernement haïtien (10) a donc choisi de demander l’appui d’un organisme international au lieu de répondre aux revendications des manifestants haïtiens par le biais des cadres institutionnels et républicains de la nation.

Le Président dirige le pays sans un Parlement fonctionnel, le principal organe de contrôle des actions gouvernementales. Les dérives autoritaires et dictatoriales du Président Jovenel Moïse se font sentir davantage. Il s’arroge même des pouvoirs inconstitutionnels. Par exemple, le Président dirige le pays par décret, un acte inconstitutionnel. La Constitution haïtienne n’a aucune provision légale dans cette situation de crise politico-institutionnelle.

Sans oublier, le tout puissant Cartel des Ambassades des pays impérialistes, le Core Group qui intervient sans gêne, sans masques dans les affaires internes du pays, en nette violation de la Convention de Vienne. Le Président Jovenel Moïse bénéficie de l’appui inconditionnel de ce Core Group qui se montre insensible aux revendications du peuple haïtien. Ce gouvernement colonial, le Core Group fait la sourde oreille pour pouvoir mettre en confiance ces hommes qui contrôlent les appareils de l’État scandant corps et âme Haiti is open for bissness ! Ces investisseurs et entreprises, spécialement américains, que les élites Kite peyi m mache adulaient depuis 1915.

Donc, les envahisseurs débarquent en 1915. Ils restent aux commandes et prennent toutes les décisions stratégiques pour le pays, grâce à la collaboration des dirigeants haïtiens, aux massacres des paysans haïtiens qui défendaient la dignité nationale, aux nouvelles institutions créées pour assurer la continuité de l’occupation et aux hommes de main placés au timon des affaires pour défendre leur intérêt au détriment du pays.

Seule la lutte libère disait Thomas Sankara. Le Peuple haïtien a un grand chantier devant lui. Les trois cent (300) années d’esclavages ont démontré que le chemin est difficile et long. Mais la capacité d’organisation et de résistance victorieuse du peuple haïtien montre toujours une confiance et une détermination à toute épreuve.

Jean Jores Pierre

*Jean Jores Pierre. Économiste. Master en Économie Sociale et Solidaire. Il collabore, depuis 2009, avec la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda). En collaboration avec la Papda, il participe dans le processus de formation de cadres des organisations du mouvement social haïtien, organisé par la plateforme paysanne 4G (Mouvman peyizan Papay / Mpp, Mouvman peyizan nasyonal kongrè Papay / Mpnkp, Tèt Kole ti peyizan ayisyen / Tk et Coordination régionale des organisations du Sud-Est / Crose).

Notes:

(1) https://gomanakawo.wordpress.com/biographie/

(2) http://fondationmemoire.tripod.com/id18.html

(3) Roger Gaillard (1981), Premier Écrasement du Cacoïsme, dans Les Blancs débarquent, tome IV (La république autoritaire).

(4) Lettre de F. C. Geffrard au président des États-Unis, août 1920, ADE/Document/838.52/133. Cité par Suzy Castor

(5) Dantès BELLEGARDE (1937), La résistance haïtienne. (L’occupation américaine d’Haïti). Récit d’histoire contemporaine.http://classiques.uqac.ca/classiques/bellegarde_dantes/resistance_haitienne/resistance_haitienne.doc

(6) F. Wirkus, Faustin : Le roi blanc de la Gonâve, Paris, lmp. Payot, 1932. Cité par Suzy Castor.

(7) Verchueren, J. : Panorama d’Haïti, 3 t. Belgiques, Editions Scaldis, 1948. cité par Suzy Castor.

(8) https://blogs.mediapart.fr/laennec-hurbon/blog/280620/pratiques-coloniales-et-banditisme-legal-en-haiti

(9)  https://www.alterpresse.org/spip.php?article24591#.XyCP4ed7nIU

(10) https://lenouvelliste.com/article/208144/ladministration-de-jovenel-moise-demande-une-aide-alimentaire-durgence-aux-etats-unis-damerique