L’Institut Simon Bolívar, un espace de rencontre et d’articulation pour la paix – Carlos RON

10 septembre 2020

Le 6 septembre, le président de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, a annoncé la création de l’Institut Simon Bolivar pour la paix et la solidarité entre les peuples. Basé au ministère vénézuélien des affaires étrangères et son objectif sera d’organiser la solidarité avec les luttes sociales.

Alba TV s’est entretenue avec Carlos Ron, président de l’Institut et vice-ministre pour l’Amérique du Nord. Voici l’interview réalisée lors du lancement du Simon Bolivar.

Carlos Ron, Vice ministre des affaires étrangères pour l'Amérique du Nord et directeur de l'Institut Simon Bolivar

Quel est l’objectif principal et urgent de la création de l’Institut Simon Bolivar pour la paix et la solidarité ? Pourquoi en ce moment de pandémie et de blocus ?

Le modèle de production capitaliste traverse une crise profonde qui a des répercussions dans les domaines économique, social, environnemental et même politique. La pandémie COVID-19 a montré clairement que le modèle a atteint ses limites et n’est pas capable de garantir la vie des personnes ou de la planète. Nous avons besoin d’un nouveau paradigme. Un qui cesse de mettre en danger la vie humaine, qui cesse de mettre en danger la vie de la planète. Nous avons besoin d’un paradigme fondé sur la valeur de la solidarité, qui est la base de l’organisation des peuples et de la création de nouveaux modèles de société.

Nous croyons que cela est possible, en brandissant les drapeaux de la pensée et de l’action de Simon Bolivar qui est la référence historique de Notre Amérique en la lutte pour l’émancipation, pour l’unité et pour la démocratie populaire. Le modèle sait qu’il est en crise, qu’il est condamné à mourir, mais il essaie de ne pas perdre son hégémonie et pour cela il devient plus violent contre toute alternative qui pourrait se présenter. Elle devient plus violente en cherchant à s’assurer toutes les ressources économiques. Pour ces deux raisons, il se déchaîne contre le Venezuela et a entrepris l’année dernière une campagne de « pression maximale » qui vise à imposer, comme ils l’ont eux-mêmes dit, une Doctrine Monroe 2.0.

Nous avons notre doctrine libératrice, la pensée de Simon Bolivar pour le XXIe siècle, qui est la lutte contre l’impérialisme et contre le colonialisme que cette crise exacerbe. C’est la lutte émancipatrice des peuples, fondée sur la solidarité, pour construire la paix et l’équilibre dans l’univers.

Quelles sont les causes que l’Institut va accompagner ?

L’Institut vise à articuler la solidarité avec le Venezuela dans le monde entier. Le Venezuela a beaucoup d’amis, beaucoup de gens qui soutiennent sa lutte, le droit à l’autodétermination, qui rejettent les agressions contre le pays et nous serons là comme un véhicule de communication constante avec eux, en améliorant la communication entre eux aussi et entre les forces populaires du Venezuela qui accompagnent aussi les grandes causes de l’humanité.

La solidarité est réciproque et parfois nous n’entendons parler que de la solidarité du monde avec le Venezuela, mais du Venezuela il y a aussi la solidarité avec d’autres peuples en lutte : avec le peuple de Palestine qui voit chaque jour son existence menacée, avec les peuples illégalement bloqués par les États-Unis comme le peuple de Cuba ou le peuple d’Iran, avec le peuple même des États-Unis qui souffre face au racisme institutionnel, avec le peuple de Porto Rico qui vit de crise en crise du fait d’une colonisation anachronique. Avec le peuple chinois contre lequel les États-Unis tentent de créer une nouvelle guerre froide, avec la lutte des femmes du monde entier pour mettre fin aux structures du patriarcat, avec la lutte pour la souveraineté alimentaire et pour la défense de la planète, bref, avec toutes les causes populaires et contre toute injustice, la solidarité du peuple de Bolivar est présente.

Comment un institut créé par l’État s’articulera-t-il avec les mouvements sociaux latino-américains et vénézuéliens ?

L’Institut est précisément un espace de rencontre et d’articulation. Il y a de la place pour l’État révolutionnaire qui a été fondé en 1999, il y a de la place pour les partis qui luttent pour le socialisme bolivarien, il y a de la place pour l’explosion du pouvoir populaire qui s’est construit ces dernières années, et il y a de la place pour les organisations qui luttent pour l’unité de notre Amérique. C’est un espace de partage, d’échange, de travail en commun.

Lorsque vous parlez de solidarité internationaliste, quel est le message que vous transmettez et qui est appelé à le faire ?

L’internationalisme fait partie de la vision des relations internationales qui est exprimée dans notre Constitution à l’article 152, qui mentionne la solidarité entre les peuples. En ce sens, le message que nous souhaitons transmettre est que cette solidarité entre les peuples du monde est vivante au Venezuela et que les luttes émancipatrices de tous sont aussi les nôtres.

Beaucoup de peuples qui ont défendu le Venezuela pendant des années sont appelés à croire en ces drapeaux anti-impérialistes que nous hissons d’ici. Il y a des personnalités, des universitaires, des intellectuels, des instituts comme le Tricontinental for Social Research ou des espaces de connaissance comme l’Université mondiale pour la durabilité, il y a des organisations qui luttent pour la paix et qui s’expriment dans des forums multilatéraux comme l’ONU, comme le Conseil mondial de la paix ; il y a des partis politiques comme le Parti de la Gauche Européenne ou le Parti pour le Socialisme et la Libération aux Etats-Unis, il y a des mouvements sociaux de notre région et du monde entier qui se sont unis pour différentes causes, la Marche Mondiale des Femmes, La Via Campesina, les mouvements de l’ALBA, l’Assemblée Populaire Internationale, bref, l’appel est très large car il y a beaucoup de luttes, beaucoup de causes et aussi beaucoup de solidarité.

Quelle est la place des luttes des femmes contre la violence et le patriarcat dans les causes que l’Institut accompagne ? Compte tenu de l’augmentation de la violence et des fémicides dans la région.

C’est un domaine que nous prévoyons d’aborder depuis nos propres espaces. Les femmes vénézuéliennes sont l’une des principales victimes du blocus des États-Unis et nous savons très bien l’importance et la nécessité de lutter contre le patriarcat et la violence, d’autant plus en période de pandémie où les femmes sont devenues les principales victimes, étant donné l’incapacité du modèle dominant à garantir leurs droits. Un appel à l’action est nécessaire pour reconnaître cette réalité et y faire face. Nous accompagnerons, par exemple, la Marche mondiale des femmes de cette année, en octobre prochain, dans ses 24 heures de solidarité féministe.

Quelle est la paix que l’Institut veut promouvoir ? Quelle est sa vision ? En tenant compte du fait que des actions fortes, organisées, motorisées et articulées peuvent porter de meilleurs fruits.

Ce grand Bolivarien qu’était le commandant Hugo Chávez nous a dit très clairement que « l’avenir du monde multipolaire dans la paix réside en nous, dans l’articulation des peuples majoritaires de la planète pour nous défendre du nouveau colonialisme et pour atteindre l’équilibre de l’univers qui neutralise l’impérialisme et l’arrogance.

C’est la paix que l’Institut promeut, une paix construite par la solidarité entre les peuples. Une paix qui respecte le droit international, qui respecte les droits fondamentaux et qui respecte la vie, ne peut être invoquée par un seul peuple, par une seule organisation, par une seule voix. Sa force réside dans le fait que la paix est un patrimoine commun et que nous apprenons à agir pour la promouvoir et la défendre ensemble. L’Amérique latine et les Caraïbes sont une zone de paix, comme l’a décrété le CELAC, et cela en ajoutant, à l’époque, la volonté de toutes les nations. Maintenant, nous, les peuples, devons défendre cette paix.

Le Venezuela est un pays assiégé. Comment pensez-vous que nous percevons la paix et la solidarité ?

Le blocus et le siège contre le Venezuela sont unilatéraux et illégaux. Face à l’arbitraire de l’unilatéralisme et de la violence, nous répondons par l’internationalisme et la solidarité. En plein milieu de cette pandémie, le gouvernement criminel des États-Unis bloque l’accès aux biens nécessaires pour la combattre, mais la solidarité d’autres pays comme Cuba, qui a été présente avec ses médecins, comme la Chine qui nous a envoyé ses experts, comme la Russie, l’Iran, la Turquie, l’Organisation mondiale de la santé, entre autres, nous a ouvert la possibilité d’apporter au pays ce dont nous avions besoin. La solidarité est fondamentale en ce moment pour le Venezuela et surtout pour maintenir la paix face à la violence du modèle en crise.

Comment lutter réellement contre toutes les dominations et toutes les discriminations ? Comment continuer à se débarrasser du colonialisme ?

C’est un travail constant qui commence aussi par la formation, la connaissance, la compréhension de notre réalité, d’où viennent la domination et la discrimination. Au Venezuela, en particulier, nous nous débarrassons du colonialisme en coupant nos liens de dépendance et en construisant un modèle communal.

Peut-il y avoir la paix alors que le colonialisme, la violence, la domination, l’exploitation, le racisme, le machisme, la xénophobie, l’inégalité et le pillage existent dans notre région et au Venezuela ?

La paix est constamment menacée par toutes ces agressions que vous mentionnez. Notre défi est de travailler à sa construction et à sa défense. Il n’y a pas de repos dans cette tâche et nous devons être très créatifs pour réussir.

 

Source: ALBA TV – Traduction: Venesol