Le peuple s’insurge en Haïti [+photos]

9 février 2021

Le climat de calme tendu qui a prévalu en Haïti aux premières heures du 7 février, date qui marque la fin du mandat constitutionnel du président Jovenel Moïse, a été rompu peu après par de graves actes de répression contre les manifestants de différentes villes qui réclament le départ de Moïse.

Port-au-Prince, la capitale, semblait pratiquement une ville morte, et la même chose se produit dans de nombreuses autres villes de province où les activités sont paralysées et où la circulation des voitures et des piétons est extrêmement réduite. La population se cache chez elle par crainte d’être victime de la répression.

Les manifestations dans la capitale ont été étouffées dans l’œuf par la police, avec des gaz lacrymogènes et une brutalité inhabituelle, faisant plusieurs blessés, ont rapporté les habitants. Les dernières informations officielles montrent que le président Moïse s’est envolé tôt le matin pour Jacmel (sud-est), où des activités de carnaval sont prévues. Avant de prendre l’avion, Jovenel Moïse a fait savoir qu’il était presque victime d’un présumé complot d’assassinat, si bien qu’une vingtaine d’arrestations ont été effectuées à Port-au-Prince.

Parmi les personnes arrêtées figurent Me Yvikel Dabresil, juge à la Cour de cassation, Marie-Louise Gauthier, inspecteur général de police et l’agronome Louis Buteau. Le juge Jean Wilner Morin, de l’Association nationale des magistrats, préfère parler du « kidnapping » de son collègue Dabresil, qui, dit-il, a été maltraité par la police avant d’être incarcéré à la Direction centrale de la police judiciaire.

Une vingtaine de détenus

Le professeur Pierre Buteau, président de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, n’a pas non plus de nouvelles de son frère, agronome à la retraite, qui participait à une réunion politique. Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits de l’homme, qualifie les opérations menées par les autorités de « répression » et de « mise en scène », tout en soulignant que le mandat constitutionnel du président a pris fin.

Jusqu’à la veille du 7 février, les institutions du pays ont continué à voter sur la fin constitutionnelle du mandat de Jovenel Moïse. Il n’y a aucune « ambiguïté » sur la fin du mandat du président Jovenel Moïse, selon une résolution du Conseil supérieur de la magistrature du 6 février signée par 5 membres sur 6.

Le mandat de Jovenel Moïse a pris fin ce dimanche, note la Fédération du Barreau haïtien (Fbh), en référence aux « dispositions de la Constitution du 29 mars 1987, modifiée par la loi constitutionnelle du 9 mai 2011 ». La Conférence épiscopale (catholique romaine) d’Haïti, dans un message du 2 février, rappelle à Jovenel Moïse que « la loi est une pour tous. Aucune preuve documentaire ou juridique n’est nécessaire. Cette position est également partagée par l’Association nationale des médias haïtiens (Anmh), la Conférence des pasteurs haïtiens (Copah), le Conseil spirituel national des églises d’Haïti (Conaspeh) et la Fédération des pasteurs haïtiens (Fepah).

Barricades

« Le temps d’une transition démocratique dirigée par des haïtiens est maintenant venu », ont déclaré les membres du Congrès Gregory Meeks, président de la commission des relations étrangères du Congrès, Albio Sires, président de la sous-commission sur l’hémisphère, dans une correspondance du 6 février au secrétaire d’État américain Anthony Blinken. Président du sous-comité de l’hémisphère occidental, Yvette D. Clarke, Andy Levine, Ilhan Omar, Alcee L. Hastings et Darren Soto. « En tant que membres du Congrès, nous croyons profondément à la démocratie et à l’État de droit, et nous pensons qu’il est essentiel que les États-Unis d’Amérique rejettent sans équivoque toute tentative du président Moïse de rester au pouvoir en violation de ces principes », écrivent-ils .

Plusieurs groupes d’organisations interrégionales, dont la Conférence permanente des partis politiques d’Amérique latine et des Caraïbes (Copppal) et le groupe de travail « Crise, réponses et alternatives dans la Grande Caraïbe », appellent la communauté internationale à soutenir le peuple haïtien pour faire respecter la fin du mandat constitutionnel de Jovenel Moïse le 7 février 2021.

Plusieurs organisations nationales et internationales avertissent de l’imminence d’un bain de sang en Haïti. « Dans quelques jours, la calamité sera pire et s’étendra au-delà des frontières d’Haïti. Ce choc peut conduire à une nouvelle crise migratoire ».

Source: Resumen Latinoamericano – Traduction: Romain Migus