De Bolívar au Blocus – William CASTILLO

1 septembre 2023

William Castillo est un haut fonctionnaire. Il a occupé plusieurs postes au sein de l’État vénézuélien. Depuis 2020, il est vice ministre des finances chargé des politiques contre le blocus. Il dirige aussi l’Observatoire Vénézuélien AntiBlocus. Le 5 juillet 2023, pour les 212 ans de l’indépendance du Venezuela, il a été l’invité d’honneur de l’Assemblée nationale, où il a prononcé le discours commémoratif. C’est ce discours que nous traduisons ici.

William Castillo au perchoir de l’Assemblée nationale de la République Bolivarienne du Venezuela

I

Le 5 juillet 1811 fut un jour lumineux, l’un des plus rayonnants de l’histoire du Venezuela.

Ce matin-là, près d’ici, dans l’église de Santa Rosa de Lima, le Congrès suprême du Venezuela, né des événements d’avril 1810, a déclaré l’indépendance absolue du Venezuela vis-à-vis du Royaume d’Espagne.

Reprenant le sentiment populaire – et rompant le silence qui régnait dans toute l’Amérique espagnole – un groupe de Vénézuéliens éleva la voix et déclara au monde que nous nous constituions en tant que peuple libre et souverain en une nation.

Ce jour-là, nous avons commencé à laisser derrière nous la longue et douloureuse nuit coloniale. C’est le jour où nous avons vu pour la première fois notre propre visage dans le miroir de l’histoire.

Nous avons cessé d’être pour les autres et commencé à être pour nous-mêmes.

Dans quelle mesure les injustices du système colonial ruineux et décadent ont-elles influencé cette action ? Dans quelle mesure la lassitude de devoir servir un roi imaginaire qui avait vendu son royaume a-t-elle pesé ? Dans quelle mesure les élites locales, désireuses d’accroître leur pouvoir, l’ont-elles influencée ?

Quelle est la part des luttes impériales transférées au Nouveau Monde, de l’ambition de contrôler des territoires et des ressources ? Quelle est la part des idées et des événements révolutionnaires de l’époque dans ce jour du 5 juillet ?

Dans quelle mesure les actions et les pensées d’hommes comme Francisco de Miranda, Simón Bolívar, Andrés Bello, Simón Rodríguez, Juan Germán Roscio, Fernando Peñalver, Francisco Espejo, José Félix Ribas, entre autres, ont-elles eu une influence ? Un groupe brillant de Vénézuéliens que Pedro Grases décrit comme « une génération de personnalités de premier ordre… ».

Les historiens ont longtemps débattu de ces questions.

Ce qui ne fait aucun doute, c’est que ce geste embryonnaire, tumultueux et chaotique, mû par des raisons diverses et complexes, a exprimé notre ferme volonté de vivre en tant que communauté d’hommes et de femmes libres.

Andrés Bello a écrit que la société vénézuélienne avait compris qu’elle devait « se passer des improvisations ».

En suivant Enrique Dussell, nous pourrions dire que le pouvoir politique s’est manifesté comme un acte collectif de création, comme un acte de pouvoir.

L’Acte d’Indépendance est un document fondateur, une trace historique d’un peuple qui, depuis, ne demande qu’à vivre libre, en paix. À sa manière.

Expression unique de la pensée émancipatrice, l’Acte d’indépendance est aussi un document passionné, polémique, extraordinairement bien écrit par Juan German Roscio, Francisco Iznardy et d’autres.

Comment ne pas être ému aujourd’hui, 212 ans plus tard, en lisant ces lignes qui sont l’acte de naissance de l’identité vénézuélienne. Je cite :

« Nous déclarons donc solennellement au monde, avec la volonté et l’autorité du peuple vertueux du Venezuela, que ses provinces unies sont et doivent être à partir d’aujourd’hui, en fait et en droit, des États libres, souverains et indépendants et qu’elles sont absoutes de toute soumission… », (puis ajoute) « et qu’en tant qu’État libre et indépendant, il a le plein pouvoir de se donner la forme de gouvernement qui peut être conforme à la volonté générale de son peuple… ». Fin de la citation.

Le 5 juillet est donc le premier moment constitutif de notre histoire. Un moment d’inflexion, de révolution, qui a changé à jamais le destin des Vénézuéliens et des Vénézuéliennes. Tout ce qui a suivi a émergé de ce matin ensoleillé de Caracas.

Ce fut un jour d’accouchement, non sans contradictions, comme toutes les naissances historiques. L’indépendance devait-elle être un prétexte catastrophique pour préserver des privilèges ou l’occasion d’un grand saut dans l’avenir ?

On a dit à juste titre, dans cette vision que nous appelons l’histoire insurrectionnelle, que le 5 juillet était le point culminant de la longue lutte de résistance, de la passion émancipatrice qui a toujours battu dans le cœur des habitants de ces terres.

Et c’est vrai.

Avant le 5 juillet, il y a eu le 19 avril. Et avant cela, il y a eu les incursions héroïques et donquichottesques de Mirandina ; avant cela, il y a eu Gual et España ; avant cela, la révolte des noirs de Coro, dirigée par José Leonardo Chirino, celle des communards des Andes, la rébellion de Juan Francisco de León à Panaquire, et celle des esclaves de Yaracuy, dirigée par Andresote ; et avant cela, bien avant cela, la résistance indigène dans la vallée de Los Caracas, à Margarita, à l’est et à l’ouest. Dans toute la longueur et la largeur de ce que Pablo Neruda appelait « notre vaste latitude silencieuse ».

Pardonnez-moi : il faut le dire et le redire. Notre lutte pour la liberté est traversée transversalement par la résistance et la rébellion du peuple vénézuélien, des peuples originels, du peuple métis né du blanc, du noir et de l’indien, parce que, comme le dit Neruda lui-même, avant l’arrivée des étrangers, avant les habits et la poudre, sur nos armes « étaient écrites les initiales de la terre ».

Je revendique le 5 juillet comme un moment qui a repris cette histoire de rébellion et de résistance et l’a transformée en un acte qui a créé la patrie.

Ce fut la synthèse d’une histoire et le point de départ d’une autre histoire. C’est de là que nous venons, avec ses lumières et ses ombres, comme le dit le vieil adage : de cette poussière, de cette boue.

De là est née inévitablement la guerre de libération nationale, la sanglante guerre d’indépendance, qui a dévasté le pays et qui nous a donné, comme l’a dit ironiquement Bolívar peu avant sa mort, le seul bien que nous avions acquis jusqu’alors, au prix de tout le reste.

Les merveilles et les tragédies, l’histoire de plus de 200 ans de la République, ce qui se passe aujourd’hui, et probablement ce qui se passera dans les années à venir, ont émergé comme un symbole du destin en ce matin du 5 juillet 1811.

II

Mais je ne suis pas venu aujourd’hui pour mettre l’histoire sur un piédestal. L’histoire, ce n’est pas la mémoire, ce n’est pas le récit ou le souvenir nostalgique d’événements passés, même si les exploits de nos libérateurs nourrissent nos esprits.

L’histoire, c’est le regard et l’interprétation que le présent porte sur le passé. La façon dont il dialogue avec lui. La façon dont il l’interroge et la façon dont le passé nous interroge. Il nous interroge dans le présent.

Par conséquent, la question que nous devons nous poser en un jour comme aujourd’hui est la suivante : quelles leçons le 5 juillet 1811 nous laisse-t-il à la lumière de notre présent complexe et stimulant ?

Les grandes questions que nos ancêtres se sont posées, les grandes réponses qu’ils ont tenté d’apporter à ces problèmes, en créant une République souveraine, matériellement et spirituellement libre – ce que Bolívar appelait l’éclaircissement de la grande inconnue de l’homme dans la liberté – continue d’apparaître comme une question essentielle et prioritaire.

Quel degré de liberté politique et économique avons-nous atteint en plus de 200 ans, quel degré de justice sociale, quel degré d’inclusion, quel degré d’égalité avons-nous, quels sont les progrès qui restent à accomplir ?

Quel est notre degré d’indépendance et de souveraineté ? Comment la justice est-elle rendue au Venezuela et avec quelle équité ? Combien de droits avons-nous obtenus et lesquels ? Dans quelle mesure ces droits sont-ils effectifs ?

Ce sont les mêmes questions dans un temps historique qui s’étend sur deux siècles.

Ces questions existentielles et politiques, la conscience, la certitude que le pays avait besoin d’un changement de cap, que le système politique avait abandonné, ou pire, trahi la promesse faite au peuple, ont conduit Hugo Chávez, à la fin du siècle dernier, à proposer la rédaction d’une nouvelle Constitution.

Un texte constitutionnel qui n’est plus compris comme une simple charte des droits, mais comme une feuille de route pour affronter collectivement les tempêtes de l’avenir.

Et elle a été appelée bolivarienne non pas par rhétorique, mais parce qu’elle reprenait le chemin tracé par la génération de Simón Bolívar, son héritage, son legs perdu au cours de l’évolution politique.

Les grands thèmes de la patrie, les préoccupations essentielles d’hier et d’aujourd’hui, continuent de planer au-dessus de nos têtes comme une volée d’oiseaux.

Souveraineté. Indépendance. Droits de l’homme, droits sociaux et droits économiques. Les droits des peuples indigènes, des afro-descendants, des femmes, des travailleuses et des travailleurs, des enfants et des jeunes, des personnes âgées. Les droits de la terre.

Bien-être et bonheur social. Économie mixte. Redistribution des revenus. Participation populaire et protagonique. État de droit et justice sociale. Missions sociales. Pouvoir communal. Diversité politique et culturelle. Recherche de l’équilibre de l’univers.

Tels sont les points d’un programme pour le nouveau siècle, que la Constitution de 1999 a proposé au pays, afin de sortir, comme en 1811, d’un système ruineux et décadent.

Il y a 212 ans, le Venezuela a commencé à défaire les nœuds qui l’attachaient à l’empire espagnol. Mais aujourd’hui, dans ce XXIe siècle dystopique, dans le monde des guerres hybrides, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, comment se transforment les formes de domination ? Comment évoluent les schémas de contrôle hégémonique qui sous-tendent les relations internationales ? Comment se réorganisent la géopolitique, les rapports de force, ce qu’on appelait dans la littérature marxiste la division internationale du travail ?

Comment affronter les problèmes complexes du présent en regardant les événements du passé à partir de l’ici et du maintenant ?

C’est sur ce dernier point que je voudrais, aujourd’hui, proposer au pays quelques réflexions à partir de ce qui s’est passé au cours des dix dernières années.

III

La Constitution Bolivarienne, cette jeune constitution qui a un peu plus de 20 ans, est aujourd’hui attaquée. La démocratie, l’État, le peuple vénézuélien, l’économie vénézuélienne sont attaqués.

Certains tentent de dissimuler cette attaque ou de la placer sous le terme de « crise », mais il est indéniable que notre société a subi des impacts profonds et imprévisibles à tous les niveaux au cours de la dernière décennie. Des impacts qui ont ébranlé ses fondements économiques, culturels et sociaux.

Les explications peuvent différer, mais les faits sont indéniables.

La raison de cette agression est l’ambition des ennemis internes et externes du Venezuela de s’emparer de ses ressources et de reprendre le contrôle de notre système politique ; le désir de détruire l’État et d’anéantir le processus de transformations structurelles qui a commencé avec l’arrivée au pouvoir de Chávez en 1998.

L’attaque contre le Venezuela a un objectif très clair : il s’agit de ce que l’on appelle en langage impérial un « changement de régime ».

Ce processus d’agression contre notre patrie a pris une ampleur insoupçonnée après le départ de notre commandant Hugo Chávez en 2013.

L’absence physique de Chávez a donné à l’élite néo-monroiste [en référence à la doctrine Monroe, qui théorise le colonialisme des États-Unis en Amérique latine, NdT] et suprématiste des États-Unis, en raison de sa cécité structurelle et historique à l’égard de nos pays, la fausse impression que les jours du processus bolivarien étaient comptés. Que le moment était venu de reprendre le Venezuela et de discipliner les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes en détruisant le « mauvais exemple » qu’est la Révolution bolivarienne pour ces peuples.

Le président Nicolás Maduro l’a dit, mi-plaisantant, mi-sérieux, en jouant sur les mots. Je vais le citer de mémoire :

« D’abord, ils ont dit : Maduro ne tient pas trois mois ; ensuite : dans six mois, nous le renverserons (cela a été même été dit au Parlement). Ensuite, ils ont dit : Maduro ne tiendra pas un an ; plus tard : il ne tiendra pas deux ans. Et enfin : « Je vous assure qu’il ne dépassera pas le premier mandat ».

Eh bien, nous y voilà… Dix ans plus tard, nous avons toujours le même président.

Il ne s’agit pas, comme le pays le sait, d’une focalisation sur seule personne. Ironie mise à part, en 2013-2014, chasser Maduro – soyons clairs, le chasser, pas le battre électoralement – signifiait mettre fin à ce que Nicolás Maduro représentait : la garantie que le peuple vénézuélien continuerait à marcher – dans la paix et la démocratie – sur les chemins d’une Révolution.

C’est alors que la plus grande conflagration, l’agression la plus vaste, la plus profonde, la plus cruelle et la plus inhumaine de notre histoire républicaine s’est déchaînée contre notre patrie.

Permettez-moi de me référer spécifiquement aux aspects économiques de cette agression multiforme dont le Venezuela a été la cible et que nous avons appelé le blocus. J’espère ainsi faire comprendre au pays l’importance et l’impact de cette agression sur notre vie en tant que nation.

Appelez-les comme vous voulez : mesures coercitives unilatérales, mesures restrictives, mesures punitives, mesures extensives, sanctions. Peu importe.

Si nous sommes d’accord avec Von Clausewitz pour dire que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », nous pouvons dire que la guerre économique est la continuation d’une politique de guerre par des moyens économiques.

Un plan a été conçu et mis en œuvre contre notre pays pour produire une crise terminale qui conduirait à un changement de régime politique, basé sur la dévastation économique, privant le pays, la population vénézuélienne, des moyens matériels de la vie.

Depuis 2014, le Venezuela a été la cible de 930 sanctions directes ou indirectes contre le gouvernement, les autorités de l’État, les finances publiques, l’industrie pétrolière et le commerce extérieur du pays, y compris l’accès à la nourriture, aux médicaments, aux vaccins, aux pièces de rechange pour l’industrie et aux matières premières nécessaires à l’économie nationale.

Les États-Unis ont dicté 60 % de ces mesures coercitives unilatérales et celles-ci ont été appliquées ou soutenues par les 27 États qui composent l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse et le Canada (y compris un pays d’Amérique latine que je ne nommerai pas par respect), ainsi que par le système financier international et les organisations multilatérales telles que le Fonds monétaire international et la Banque interaméricaine de développement.

Pour le pouvoir étasunien, une base « légale » était nécessaire, et c’est ainsi qu’une architecture pseudo-juridique a été construite, en violation du droit international, avec une application unilatérale et des effets extraterritoriaux, mais nécessaire pour justifier le blocus aux yeux de l’opinion publique.

Les mesures contre le Venezuela découlent de deux lois du Congrès des États-Unis en 2014 et 2019, et de sept ordres exécutifs émis par le gouvernement étasunien, le plus important d’entre eux, l’ordre exécutif 13692 de mars 2015, signé par Barack Obama ; et six autres ordres exécutifs portant la signature de Donald Trump entre août 2017 et août 2019, une période qu’il a lui-même baptisée « de pression maximale « .

La profondeur de cette attaque a été telle qu’en huit ans, le Venezuela est devenu le cinquième pays au monde avec le plus de personnes sanctionnées, le sixième avec le plus d’entreprises privées et d’organismes publics sanctionnés, le quatrième avec le plus de navires sanctionnés (39 navires de l’entreprise pétrolière Pdvsa ont été sanctionnés) et le troisième pays avec le plus d’avions sanctionnés (la compagnie publique d’aviation Conviasa a 40 avions sanctionnés et Pdvsa 17). Parfois, même pour le Plan Vuelta a la Patria [programme de rapatriement gratuit des migrants vénézuéliens dans leur pays, NdT], les avions de Conviasa ne peuvent pas survoler un pays, et s’ils y parviennent, ils sont privés de ravitaillement en carburant.

Aucun des 30 États soumis à des mesures coercitives unilatérales, à l’exception de la Russie, n’a fait l’objet d’une telle agression économique en si peu de temps.

L’agression a commencé en 2013, avant même que les sanctions ne soient formellement imposées, par une stratégie d’asphyxie financière du pays. Elle a commencé par la manipulation artificielle du soi-disant risque-pays, effectuée par les chiens de garde du système financier que sont les agences de notation du risque, et qui a porté artificiellement l’indice du Venezuela à des niveaux stratosphériques.

L’objectif était de détériorer gravement la valeur de la dette vénézuélienne, d’augmenter les coûts pour la République et de fermer effectivement l’accès aux marchés financiers.

L’objectif était, comme cela a finalement été le cas, de provoquer une cessation de paiement, un défaut de paiement. Dans ces milieux, le slogan était « plus aucune devise pour le Venezuela ».

Le ministère des Finances estime qu’entre 2013 et 2017, le Venezuela a payé 109 milliards de dollars de dette extérieure. En contrepartie, il n’a pas reçu une seule devise et a vu la valeur de sa dette s’effondrer. Ceux qui étaient derrière les sanctions savaient qu’en 2017 la courbe des engagements internationaux s’accélérait, c’est-à-dire qu’ils nous ont retiré nos financements quand le pays devait payer plus. Et en 2013, aucune sanction n’avait encore été émise à l’encontre du pays.

Beaucoup ont été choqués (d’autres ont fait semblant de l’être) par une vidéo de Donald Trump dans laquelle il avoue que sa seule intention à l’égard de notre pays a toujours été de s’approprier le pétrole vénézuélien, et que c’est pour cela qu’il nous a amenés au bord du gouffre.

Mais ces mots, qui ont apparemment sorti certaines personnes de leur léthargie, l’ancien ambassadeur William Brownfield les avait déjà prononcé en 2017, lorsqu’il avait averti que les sanctions allaient faire souffrir pendant des mois et peut-être des années la population vénézuélienne, et que, par conséquent, je cite :  » La meilleure résolution est d’accélérer l’effondrement… « , c’est-à-dire d’appliquer davantage de sanctions ; et il terminait en avertissant, avec une sincérité impériale cynique, qu’on ne pouvait pas appliquer cette politique et prétendre qu’elle n’aurait pas d’impact sur le peuple. Au moins, il était sincère. Criminel, mais sincère.

M. Brownfield a dit cela en 2017, il y a six ans. Il y a des gens qui, il y a six ans, disaient que les sanctions n’existaient pas ou qu’elles n’étaient que contre Maduro, et que le peuple vénézuélien n’avait pas à s’inquiéter.

Cette politique a été ratifiée en janvier 2018 dans un communiqué du département d’État, publié sur internet et supprimé quelques heures plus tard. Rex Tillerson y déclarait (je cite) : « La campagne de pression contre le Venezuela fonctionne. Les sanctions financières ont forcé le gouvernement à commencer à faire défaut, à la fois sur sa dette souveraine et sur la dette de PDVSA, son industrie pétrolière. Notre politique fonctionne donc, notre stratégie fonctionne et nous la maintiendrons ».

Rendez-vous compte. Ce n’est pas que seulement Trump qui l’a dit, c’est Tillerson, Brownfield, Bolton, Pompeo, Abrams, Story, Menendez, Rubio, qui l’ont répété sans rougir : « Nous allons les détruire ».

Pendant ce temps, dans notre pays aujourd’hui, il y a des gens, y compris des pré-candidats et des pré-candidates à la présidence, qui nient les sanctions et disent, au contraire, que ce qu’il faut faire, c’est mettre plus de sanctions en place pour continuer à « faire pression sur la dictature ». Dans quel pays ces gens vivent-ils ? N’ont-ils aucune conscience ?

Revenons au 5 juillet 1811 ! Il y avait des factions, des intérêts, des visions contradictoires, et pourtant ils ont été capables de faire un pas ensemble pour l’avenir du pays.

Ces expressions obscènes sont, comme l’a soutenu le Président de la République, Nicolas Maduro, « l’aveu d’un crime ». Un crime, un crime terrible. Impardonnable. Un crime contre l’humanité.

C’est ainsi que, conscients du crime qu’ils commettaient, ils se sont lancés dans une orgie de sanctions, s’attaquant au cœur économique de notre patrie : PDVSA et le système financier public.

En raison des sanctions, la production de pétrole a chuté de 72 % entre 2015 et 2022. Le Venezuela est passé d’une production moyenne de 2,5 millions de barils par jour à une production, à son point le plus bas en juin 2020, d’environ 340 000 barils par jour. Il a ainsi atteint un niveau inférieur à celui qu’il avait atteint lors du sabotage pétrolier de 2002. Aujourd’hui, la production pétrolière se redresse grâce à ses travailleurs.

Au-delà des crises des prix sur le marché pétrolier, il ne fait aucun doute que la principale cause de cette chute est l’effondrement des ressources engendrée par le blocus financier.

Les calculs du ministère des Finances indiquent que le Venezuela a cessé de produire, entre 2015 et 2022, un total de 3 993 millions de barils. Cette baisse a généré des pertes de 232 milliards de dollars pour PDVSA [ce montant est l’équivalent du PIB nominal du Portugal, NdT].

Prêtez attention à ce chiffre : 232 milliards de dollars sur une période de 8 ans, c’est le montant que notre industrie pétrolière et le pays ont cessé de recevoir à cause du blocus et des sanctions.

Comme on pouvait s’y attendre, l’attaque impitoyable contre PDVSA et le blocage des financements extérieurs se sont rapidement traduits par une contraction brutale des recettes en devises.

Les recettes en devises de l’État sont passées de 39 milliards de dollars en 2014 à 743 millions de dollars en 2020. Une chute de 99 %.

Pour vous donner une idée plus précise : même avec la reprise économique des années 2021 et 2022, les recettes en devises de l’année dernière, près de 4 milliards de dollars, équivalent à peine à 10 % des recettes de 2014.

En d’autres termes, nous vivons avec 10 % des ressources en devises dont le pays disposait il y a 8 ans. 10 % !

Vous mettez n’importe quel pays industrialisé, riche et développé à vivre pendant un an avec 10% de son budget annuel et ce gouvernement ne tient pas un mois, c’est-à-dire qu’il ne tient même pas 10% d’une année.

C’est cela et rien d’autre qui explique la réduction dramatique du budget public au cours des dernières années, l’effondrement de la monnaie, l’hyperinflation, l’étranglement des salaires et des revenus de la famille vénézuélienne.

Non contents de cela, ceux qui ont élaboré cette politique criminelle ont entrepris de dépouiller le Venezuela de ses ressources et de ses actifs. Pour ce faire, ils ont utilisé le système financier international et, à partir de 2016, ils ont paralysé les transferts de fonds pour le paiement des services, l’achat de médicaments, d’aliments, d’équipements et de machines à l’étranger.

Il fallait arrêter la roue de l’économie, et pour cela, il fallait étouffer l’État, car l’État au Venezuela continue d’être – même avec toutes les difficultés – le centre de l’économie. Ce n’est pas le sujet, mais rappelez-vous qu’en 2013, le système d’administration des devises étrangères existait encore au Venezuela. Un État paternaliste, étrange dictature, donnait au secteur privé 100 % des devises étrangères dont il avait besoin.

Immédiatement, ils ont bloqué les comptes du Venezuela à l’étranger, fermé les banques correspondantes et, enfin, confisqué les ressources, refusant au pays l’accès à son propre argent.

L’Observatoire vénézuélien anti-blocus a identifié un montant de plus de 22 milliards de dollars bloqués dans des banques privées et des organisations multilatérales, qui sont des ressources propres du Venezuela, des crédits multilatéraux ou des ressources qui appartiennent légitimement au Venezuela.

Parmi ces ressources, 5 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) approuvés par le FMI pour réactiver l’économie post-pandémie n’a pas été remis à la Banque Centrale du Venezuela sous prétexte que le FMI ne savait pas qui était le président du Venezuela.

Depuis 2019, la Banque d’Angleterre détient 31 tonnes d’or, soit l’équivalent de 2 milliards de dollars, car le gouvernement britannique a reconnu Juan Guaidó comme président par intérim. Il y a plus de 1,8 milliard dans les coffres de la banque Novo banco du Portugal [le gouvernement du Venezuela vient de gagner son procès contre cette institution financière, l’obligeant à débloquer les comptes, NdT].

Aujourd’hui, au moment où je vous parle, il y a 93 comptes bloqués de 37 organismes publics dans 29 banques étrangères et trois organismes multilatéraux. Il s’agit de ressources que le Venezuela ne peut même pas utiliser pour acheter de la nourriture ou des médicaments.

Depuis 2017, nous sommes exclus du Système de paiement interbancaire (Swift) en raison d’une alerte du Réseau de lutte contre la criminalité financière (Fincen), une agence étatsunienne, qui a déclaré, sans preuve, que les opérations du gouvernement vénézuélien étaient suspectes. En appuyant sur un bouton, avec une seule mesure, comme l’a dit la vice-présidente de la République, Delcy Rodríguez, ils peuvent paralyser la vie financière de n’importe quelle nation C’est pourquoi, parmi beaucoup d’autres raisons, nous devons sortir du dollar.

L’assaut contre les actifs de la République a été d’une plus grande ampleur, et c’est ainsi qu’ils ont détourné Citgo Petroleum [filiale de Pdvsa, possédant raffineries et stations-services sur le territoire des États-Unis, Ndt], par le biais de la reconnaissance politique que les États-Unis ont accordée à une organisation criminelle qui s’est auto-proclamé « gouvernement par intérim du Venezuela ».

Je ne vais pas m’étendre sur cet acte honteux, inqualifiable et sans précédent de trahison de la patrie par ce groupe de citoyens. Je voudrais simplement vous rappeler que Citgo est le septième plus grand complexe de raffinage des États-Unis. Il possède trois raffineries, 4200 stations-service et est évalué à plus de 13 milliards de dollars.

Une entreprise qui appartient à tout le peuple vénézuélien et qui est aujourd’hui entre les mains des anciens gérants de Pdvsa, les mêmes qui, en 2002, ont paralysé l’industrie pétrolière pendant 60 jours, offert le cerveau informatique de PDVSA à la CIA, et causé au pays une chute de 18 points de PIB et des pertes de 20 milliards de dollars.

Le dernier chapitre de cette lugubre histoire, qui semble tirée des « Misérables » de Victor Hugo, est la délivrance de la licence 42 de l’OFAC, par laquelle les États-Unis autorisent, non plus « le gouvernement par intérim », que Washington ne reconnaît plus, mais ce qu’ils appellent désormais le « parlementarim » [jeu de mots entre parlement et par intérim, Ndt]. C’est leur nouveau truc, pour que l’Assemblée nationale élue pour la période 2015-20, puisse continuer à avoir une existence malgré les nouvelles élections de 2020, et puisse négocier avec les créanciers et les fonds vautours la vente aux enchères judiciaire de Citgo.

Derrière les sanctions se cache une industrie du pillage. Dans ce racket d’affaires et de corruption, on trouve des banques internationales, des cabinets de lobbying, des cabinets d’avocats, des partis politiques de la droite internationale, des médias et, surtout, un réseau de soi-disant « ONG », des franchises politiques qui profitent du vol des actifs des pays sanctionnés et servent de couverture humanitaire à ce vol.

Ces chiffres ne sont ni froids ni simples. Comme le dit le théoricien américain des sanctions, M. Richard Nephew : « Les sanctions doivent causer de la souffrance et doivent être appliquées là où elles causent le plus de souffrance ». Telle est la pensée moderne aux États-Unis : les sanctions sont préférables à la guerre : au lieu d’envahir des pays – disent-ils – détruisons-les et ils s’entretueront.

Les sanctions que subissent aujourd’hui 30 pays dans le monde sont conçues pour provoquer des troubles, des difficultés pour la population civile. C’est pourquoi la Libye a non seulement été bombardée et son dirigeant tué, mais elle s’est aussi fait voler 400 milliards de dollars de ses réserves. C’est pourquoi la Russie, à la suite du conflit militaire avec l’Ukraine, a vu ses réserves en devises occidentales bloquées à hauteur de 300 milliards de dollars.

En raison du blocus, l’économie vénézuélienne a cessé de produire des biens et des services d’une valeur de 642 milliards de dollars entre 2015 et 2022. Il s’agit de biens qui n’ont été ni produits ni échangés, de services qui n’ont pas été fournis, de salaires qui n’ont pas été payés. Où en serait l’économie vénézuélienne, à quel niveau se situeraient les salaires au Venezuela s’il avait pu produire plus de 642 milliards de dollars au cours de ces années ?

Et oui, comme c’était inévitable, cela devait avoir un impact sévère sur la qualité de vie et les droits de l’homme du peuple vénézuélien. C’est ce qu’a déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur les mesures coercitives unilatérales, Alena Douhan, qui a visité le Venezuela, a rencontré tous les secteurs et a produit un rapport extraordinairement clair.

Dans ce rapport, elle affirme que les sanctions ont gravement affecté l’accès à la nourriture, l’accès aux médicaments et la qualité des services publics au Venezuela. Elle affirme qu’elles ont affecté l’exercice des droits de l’homme, la mobilité, le fonctionnement des entreprises privées et qu’elles ont porté atteinte à la cohésion sociale, obligeant un grand nombre de citoyens à émigrer vers les pays voisins.

Cette politique de cruauté s’est même étendue pendant la pandémie, lorsque la Banque d’Angleterre a refusé de remettre 300 millions de l’or retenu demandé par le Venezuela pour acheter des vaccins, et a brandi une lettre du cabinet d’avocats Arnold and Porter disant que « leur client », M. Guaidó, s’opposait à cette demande.

Le Venezuela le sait. Sous la direction d’Hugo Chávez, le Venezuela est devenu, avec Cuba, le pays d’Amérique latine qui a atteint les objectifs du Millénaire pour le développement au cours de la première décennie de ce siècle. Il a réalisé les progrès les plus importants en termes d’égalité sociale, de lutte contre la pauvreté et la faim, et il était l’un des premiers du continent en termes d’indice de développement humain.

En douze ans, Chávez a transféré 25 % de la richesse des secteurs les plus riches vers la classe moyenne et les secteurs les plus pauvres du pays. Ce modèle devait être détruit et les sanctions étaient l’arme la plus efficace pour y parvenir. Pour provoquer le changement de régime tant attendu.

Deux économistes américains, Mark Weisbrot et Jeffrey Sachs, ont déclaré que les sanctions imposées au Venezuela constituaient une « punition collective » pour le peuple vénézuélien. Pour renverser un gouvernement, la population a été impitoyablement punie. Cela est désormais reconnu même par tous les économistes et analystes sérieux.

En effet, plusieurs des indicateurs sociaux les plus importants ont reflété les dommages subis par notre peuple, en particulier au cours de la période 2017-2020, car nombre de ces indicateurs – à vrai dire – réagissent maintenant positivement aux politiques du gouvernement bolivarien et à la reprise naissante de notre économie ; et cela se produit parce que les ressources reprennent, le gouvernement les débloque et investit dans les programmes du modèle social bolivarien.

Il n’est pas faux de dire que la mortalité maternelle et infantile a augmenté, que la couverture vaccinale pour certaines maladies graves a diminué ou que la prévalence de certaines maladies a augmenté parce que, en raison des sanctions, les entreprises pharmaceutiques ont quitté le pays.

En raison des sanctions, les entreprises pharmaceutiques qui faisaient venir des matières premières pour fabriquer des médicaments ou les importaient directement ont quitté le pays : la distribution de médicaments a chuté de plus de 60 % entre 2017 et 2020.

Il ne s’agit pas seulement de rapporter ou de dénoncer les problèmes. Il s’agit de comprendre le contexte et les causes de ces phénomènes.

Oui, les sanctions sont un crime, un crime qui s’est traduit par par la perte de vies, par l’augmentation des maladies, des migrations, des angoisses, des souffrances.

Comme il est facile de faire des discours sur le manque d’équipements ou d’infrastructures dans certains centres de santé sans expliquer comment la réduction des ressources publiques, le blocage des achats d’équipements ou de fournitures, la confiscation des fonds ont eu un impact sur les programmes et les politiques publiques en matière sociale !

Un seul exemple suffit : l’hôpital de cardiologie infantile, créé par Hugo Chávez, a opéré gratuitement plus de 1 200 bébés et enfants atteints de cardiopathies congénitales en 2012. Ce chiffre est tombé à moins de 200 pendant les pires années du blocus, en raison du refus des fournisseurs de vendre des pièces détachées pour les appareils médicaux, d’effectuer leur maintenance et de mettre à jour les logiciels des équipements de haute technologie.

Fundalatin, une véritable organisation de défense des droits de l’homme, a signalé au Conseil des droits de l’homme des Nations unies que 52 patients vénézuéliens – dont une grande majorité d’enfants – sont morts parce que les paiements pour leurs opérations à l’étranger ont été interrompus dans le cadre d’un programme géré par la Fondation Bolivar de Citgo. Ce programme gratuit a été le premier à être supprimé par les autorités nommées par le soi-disant « président intérimaire » pour diriger Citgo.

Comme il est facile de signer, devant le pays et le monde, un accord social pour libérer une partie seulement, 3000 milliards de dollars du peuple vénézuélien, qui sont bloqués et les amener à les investir dans la santé, l’éducation, l’électricité et les soins d’urgence,

 l’éducation, l’électricité et les services d’urgence. Un accord mené par le président de l’Assemblée nationale, Jorge Rodríguez. Comme il est facile de faire des discours et de jouer les fous, sans même avoir le geste d’appeler ses maîtres étasuniens pour leur rappeler leur parole lorsque les États-Unis ont déclaré, 15 jours après la signature de l’accord, qu’en raison des sanctions qu’ils avaient eux-mêmes imposées, ils ne pouvaient pas garantir que ces ressources ne parviendraient même pas aux Nations unies !

A ce stade, je voudrais simplement souligner qu’en plus de la santé, l’accès à la nourriture a également été bloqué. La chercheuse vénézuélienne Clara Sánchez Guevara l’a révélé dans son livre « Opération Blocage de nourriture au Venezuela : changement de régime ou affamer le peuple ».

Elle dit quelque chose de très important : Hugo Chávez a introduit le concept de sécurité et de souveraineté alimentaires pour la première fois dans notre histoire. Et ce concept dépend du gouvernement. La puissance d’un pays repose, entre autres, sur sa capacité à défendre son territoire et à nourrir sa population. Chávez l’a fait entrer dans l’histoire pour la première fois.

Eh bien, il fallait s’attaquer à l’alimentation pour affaiblir le pouvoir de la nation ; c’est ainsi que les CLAP ont été sanctionnés [système de distribution participatif de nourriture, NdT], que les importations d’aliments ont été bloquées, que les entreprises ont été persécutées et qu’aujourd’hui, un diplomate vénézuélien a été enlevé et torturé depuis plus de 1100 jours et que sa famille est persécutée parce qu’il a osé défier le blocus. Je rends hommage à la résistance digne d’Alex Saab, à la lutte de Camila Fabri et de sa famille, et je plaide d’ici pour sa liberté.

La mémoire du blocus et du pillage de notre patrie est longue, très longue, et il reste beaucoup à documenter et à rechercher sur ces années de misère et d’agression, une période que Jorge Luis Borges n’aurait pas hésité à inclure dans son Histoire universelle de l’infamie.

On le sait peu, mais la première République, née le 5 juillet 1811 et qui a duré moins d’un an, a également été soumise à un blocus commercial et diplomatique : restriction du commerce alimentaire avec le Venezuela, blocage de la vente d’armes au nouvel État, armes dont il avait besoin pour se défendre, et participation de nombreux commerçants à un boycott monétaire, refusant d’accepter la monnaie nationale afin de ruiner les caisses de la République naissante.

Oui, la république née en 1811 était isolée et bloquée dès avant sa naissance, dès le 19 avril 1810. Et c’est pourquoi Bolívar, Bello et Miranda sont allés chercher de l’aide à Londres, qui leur a été refusée, et Juan Vicente Bolívar est allé chercher de l’aide aux États-Unis, qui lui a été aussi refusée.

Les blessures de cette guerre déclarée à notre pays sont douloureuses et profondes, et il est encore plus douloureux qu’il y ait eu des Vénézuéliens qui se soient prêtés à cela pour causer de la souffrance, et nuire à leur patrie, en plaçant leurs ambitions au-dessus de leur nationalité et de leur propre condition humaine.

Lorsque nous racontons l’histoire du blocus, nous ne le faisons pas dans un esprit de pessimisme ou de défaite, mais dans la joie et l’espoir d’un peuple qui a résisté avec une infinie dignité.

Le 5 juillet 1811 est un jour d’unité nationale. Au-delà des différences, parfois irréconciliables, comme on le verra plus tard, un sentiment a prévalu ce jour-là : l’idée que l’on peut être uni dans la diversité.

Le 23 janvier, le président Nicolás Maduro a appelé à l’unité nationale pour affronter et surmonter le blocus: « J’appelle tout le monde à rester mobilisé en permanence, à réaliser l’unité de toute la nation contre les sanctions criminelles qui torturent le corps économique et social du Venezuela. Assez de blocus et de persécution ! ». Fin de citation.

Il ne s’agit pas d’un appel naïf ou puéril : c’est un appel au travail. C’est un appel à s’unir pour continuer à surmonter les difficultés et à guérir les blessures causées par le blocus et les sanctions.

C’est un appel à produire plus et mieux. Accroître la production alimentaire et industrielle, exporter. À mettre fin, pour chacun d’entre nous, à la spéculation et aux profits obscènes. Combattre et enterrer à jamais le monstre de la corruption, de l’oisiveté et de l’inefficacité. Mettre le potentiel scientifique au service d’une économie pour les êtres humains, pour le bien-être collectif, pour le bonheur social et non pour le capital.

Le blocus n’a pas vaincu le Venezuela. Aujourd’hui, avec le poids de la douleur que nous portons, nous sommes un pays plus souverain, plus conscient de ses capacités, plus productif, plus digne, plus solidaire et plus beau.

Mais il est également vrai que nous n’avons pas encore surmonté le blocus ; nous avons commencé à nous rétablir, mais son poids terrible conditionne le développement du pays.

Pendant la guerre civile espagnole, le poète Miguel Hernández écrivait :

« Celui qui s’arrête pour pleurer / celui qui se lamente / contre la pierre hostile du découragement / celui qui se consacre à autre chose qu’au combat / ne sera pas un vainqueur / sera un lent vaincu ».

Face au blocus et aux sanctions, les Vénézuéliens et les Vénézuéliennes n’ont pas pleuré et ne sont pas restés à se lamenter sur la pierre hostile du découragement !

Face à l’agression et à la misère, nous avons donné le meilleur de nous-mêmes. Nous sommes au combat. Chaque citoyen qui travaille honnêtement pour ce pays, quelles que soient ses idées, est, sans le savoir, en train de combattre le blocus. Il n’y a pas d’autre alternative que d’avancer dans cette bataille contre les monstres intérieurs et extérieurs. Contre le blocus et les sanctions, contre toutes les formes d’agression contre notre pays.

En recevant le prix Nobel de littérature en 1971, le grand poète américain Pablo Neruda disait que, parfois, il faut « (…) traverser la solitude et la dureté, le secret et le silence pour atteindre l’enceinte magique où l’on peut danser la danse de la conscience, la conscience de croire en un destin commun ». Et il concluait: « Nos étoiles primordiales sont la lutte et l’espoir. Mais il n’y a pas de lutte ou d’espoir solitaire… et… ce n’est qu’avec une patience ardente que nous conquerrons la cité splendide qui donnera lumière, justice et dignité à tous les hommes ».

Le 5 juillet 1811, la patrie vénézuélienne est née. Bolívar est mort en voyant s’effondrer le rêve de cette grande patrie. Mais, comme nous l’a rappelé le Commandant Hugo Chávez dans son discours d’adieu du 8 décembre 2012 : « Aujourd’hui, nous avons une patrie ! »

Aujourd’hui, nous avons une patrie à défendre, pour laquelle nous devons nous battre. Une patrie qui nous invite à semer et à construire. Et malgré les différences entre nous, des différences radicales, nous avons le même territoire, le même sol, le même soleil qui nous éclaire et un patrimoine à léguer aux générations futures.

C’est pourquoi, je suis convaincu que, grâce à l’ardente patience de notre peuple, à l’esprit d’union, à l’exemple du 5 juillet 1811, tôt ou tard, le Venezuela surmontera définitivement le blocus et continuera à construire la patrie de lumière qui nous donnera la paix, la justice et la dignité dont rêvaient nos libérateurs.

William CASTILLO

(traduction: Romain Migus)